lundi 14 mai 2018

"Zonage" déconventionnement et application du "tarif d'autorité" Maître Alain DEGUITRE communique sur l'annulation des décisions de la Cpam66 à l'encontre d'Emilie


A PROPOS DU JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTPELLIER LE 3 AVRIL 2018 UNE VICTOIRE A LA PYRRHUS


Pour défendre nombre d’infirmières et infirmiers libéraux victimes des accusations et poursuites déshonorantes de la part des Caisses d’assurance maladie, je mesure pleinement la difficulté à faire valoir leur bon droit devant les juridictions ce qui pourrait conduire à envisager que ce combat serait celui du pot de fer contre le pot de terre.


Le jugement rendu par le Tribunal administratif de MONTPELLIER le 3 avril 2018 est de nature toutefois à raviver l’espérance dans la Justice.

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Le litige porté devant cette juridiction tenait à l’exercice par Emilie de ses activités d’infirmière libérale dans la zone dite surdotée de SAINT CYPRIEN (Pyrénées Atlantiques) alors que son cabinet était implanté à PORT VENDRES, à une vingtaine de kilomètres, en zone intermédiaire.


Après son installation à PORT VENDRES, Emilie a informé la CPAM des Pyrénées Atlantiques prodiguer des soins à des assurés sociaux résidant à SAINT CYPRIEN, sans que celle-ci n’y trouve à y redire sauf à s’opposer à la facturation de frais de déplacement.

En raison de son activité quasi exclusivement à SAINT CYPRIEN, Emilie a sollicité à deux reprises le transfert dans cette localité de son cabinet de PORT VENDRES, sans succès, la Commission paritaire départementale ayant émis un avis défavorable.



Consécutivement, la CPAM a procédé à un contrôle dans des conditions particulièrement contestables, c'est-à-dire par surprise, l’agent de contrôle se présentant d’abord au domicile des parents d’Emilie puis au sien.

En considération du compte-rendu de son agent de contrôle, la CPAM a notifié le 2 mai 2015 à Emilie des griefs tenant à l’exercice réputé frauduleux de son activité à SAINT CYPRIEN à défaut d’une autorisation d’installation dans cette localité.

La Caisse en a tiré la conséquence d’infliger une sanction à cette dernière et la revendication de la restitution de l’intégralité des sommes qu’elle lui avait versées au cours des deux premiers exercices de son activité.
Comme suite à cette décision, Emilie a présenté un recours gracieux qui est resté sans suite, la Caisse lui notifiant le 27 juillet 2015 une décision complémentaire tenant à l’application du tarif d’autorité et limitant ainsi sa demande de restitution à 84 % des sommes qu’elle avait versées.

Emilie en a ressenti un tel choc qu’elle a tenté de mettre fin à ses jours et que son état de santé ne lui permet pas, encore actuellement, de reprendre son activité.
Elle n’a pu supporter l’accusation de fraude pour avoir agi en toute transparence à l’égard de la CPAM et de voir ses efforts de ses deux premières années d’activité ruinés par la revendication par celle-ci du remboursement de la quasi intégralité de ses honoraires.

C’est en l’état que cette affaire a été portée en Justice, d’abord devant le Juge administratif des référés aux fins de suspension de l’exécution des décisions contestées.
Emilie a essuyé un revers, le Juge des référés faisant droit, contre toute attente, à l’argumentaire de la CPAM suivant lequel celle-ci n’aurait pas eu le droit de soigner des patients à SAINT CYPRIEN sans autorisation.

De ce fait, selon la Caisse, elle s’était placée elle-même hors Convention rien ne l’empêchant en revanche de travailler au bénéfice de celle-ci, à PORT VENDRES.
La Caisse s’est ainsi défendue d’avoir infligé une quelconque sanction pour n’avoir fait que le constat « d’un état de non conventionnement ».
Pour la Caisse donc, une infirmière ou un infirmier serait conventionné ou non en fonction du lieu où il prodigue ses soins et d’une autorisation préalable ou non, en éludant l'article 14 de la Convention nationale qui définit la procédure devant être suivie pour priver celle-ci ou celui-ci de son bénéfice.
Cette thèse proprement fantaisiste adoptée par le Juge des référés, a permis à la CPAM des Pyrénées Orientales de priver Emilie des droits élémentaires de la défense, ceux précisément définis à l'article 14 précité.

Toutefois, Emilie avait saisi dans le même temps que le Juge des référés, le Tribunal administratif de MONTPELLIER d’une demande d’annulation des décisions de la CPAM et de la légitime réparation de ses préjudices.
L’enjeu du procès dépassait le cas d’Emilie et concernait l’ensemble de la profession puisque la juridiction était appelée à se prononcer sur le zonage, plus précisément sur les possibilités pour une infirmière ou un infirmier installé en zone intermédiaire, d’exercer en zone surdotée.
La voie était tracée par la Cour administrative d’appel de MARSEILLE, laquelle, dans un arrêt n° 14MA03422 du 28 décembre 2015, a rappelé le principe fondamental de la liberté de choix du patient inscrit à l'article 5 de la Convention nationale, autorisant une infirmière ou un infirmier à exercer sur tout le territoire national, la seule obligation du professionnel de santé étant de disposer d’un cabinet équipé pour recevoir et soigner ses patients.

J’ai attiré l’attention de plusieurs syndicats infirmiers sur le cas d’Emilie et les enjeux du procès.
Si ces syndicats ont validé mon argumentaire juridique, tous ont laissé sans suite ma demande de leur intervention devant le Tribunal administratif pour soutenir à la fois les intérêts d’Emilie et ceux de la profession, à l’exception du Syndicat INFINIDELS que je remercie pour le soutien décisif qu’il m’a apporté en constituant mon Confrère Alain TERRAL qui a plaidé à mes côtés pour la bonne cause.

Le Tribunal administratif de MONTPELLIER a annulé les décisions de la CPAM au motif que son Directeur ne disposait pas du pouvoir d’infliger une sanction.
Cette sanction d’un véritable abus de pouvoir est en soi un motif d’immense satisfaction et justice a été enfin rendue à Emilie.
Le juriste reste cependant sur sa faim car le Tribunal a éludé d’examiner le sujet central du dossier, à savoir le zonage, en s’égarant sur le terrain de la sanction disciplinaire, à mon avis hors sujet.

Emilie a en effet été sanctionnée financièrement par son déconventionnement décidé d’autorité par le Directeur de la Caisse avec effet rétroactif, la privant en outre à l’avenir de la possibilité d’exercer à SAINT CYPRIEN.
En dépit de l’arrêt précité de la Cour administrative d'appel de MARSEILLE du 28 décembre 2015 versé au débat, le Tribunal a imputé à Emilie 50 % de la responsabilité des préjudices qu’elle a subis au motif suivant :
« Considérant qu’il résulte de l’instruction que Emilie a exercé son activité libérale d’infirmière à SAINT CYPRIEN alors que seule l’autorisation d’exercer à PORT VENDRES lui avait été accordée et que le transfert de son cabinet lui avait été refusé à deux reprises ; qu’elle a contribué ainsi à hauteur de 50 % à la réalisation du dommage et des préjudices dont elle demande réparation. »
Ce considérant est la négation même du principe de la liberté de choix du patient, le Tribunal administratif opérant une confusion entre l’autorisation d’installation et celle d’exercice, étant rappelé que cette dernière n’est pas nécessaire, une infirmière ou un infirmier conventionné pouvant exercer sur l’ensemble du territoire national à la demande du patient dont le choix est libre, l’interdiction relevant de la discrimination fautive.

Il est souhaitable que cette affaire soit portée devant la Cour d'appel pour débattre sérieusement et complètement du zonage, si ce n’est que pour ne pas que le jugement qui précède fasse jurisprudence et constitue une arme pour les CPAM dans des contentieux identiques.
Il convient d’ajouter, en faveur de l’appel, que le Tribunal a indemnisé Emilie a minima ce qui démontre la réticence de certains Magistrats, souvent observée, à condamner une Caisse d’assurance maladie.
Dans l’immédiat la CPAM ne s’est pas manifestée ce qui peut sembler le signe d’une hésitation et de la crainte non seulement de la confirmation de l’annulation des décisions de son Directeur mais aussi d’une sanction financière plus sévère.

Je ne saurais blâmer Emilie d’hésiter aussi car son vécu de cette affaire n’est pas le mien et elle peut légitimement redouter l’aléa judiciaire dont elle serait la seule à subir les conséquences.
Pour parler simplement, elle peut légitimement souhaiter tourner la page sur ce succès judiciaire même s’il est relatif et laisse un goût d’insatisfaction.
L’aléa judiciaire doit aussi s’apprécier en considération de la priorité accordée par les responsables politiques de quelque bord qu’ils se situent, aux économies budgétaires en matière de santé.

La Cour des comptes s’est faite l’écho des politiques en stigmatisant les abus de certaines infirmières et infirmiers qui ne peuvent être contestés, ce qui est contestable étant la généralisation de comportements inacceptables à l’ensemble de la profession.

Il ne faut pas pour autant renoncer au combat judiciaire.

En effet, les CPAM se considérant souvent au-dessus des lois, violent fréquemment les règles de procédure ce qui donne la possibilité aux avocats d’obtenir l’annulation de leurs décisions sans que les juridictions soient contraintes d’aborder le fond et de désavouer les Caisses.
Il peut être supposé qu’une juridiction accueille avec un certain bonheur les exceptions et fins de non recevoir soulevées par les Avocats lui permettant à la fois de se dispenser d’analyser et de se prononcer sur le fond.

Dans l’affaire d’Emilie, l’abus de pouvoir était tellement « gros » que je n’ai jamais douté de l’annulation de ces décisions mais j’ai néanmoins éprouvé des craintes dans le contexte actuel décrit précédemment.
Une juridiction peut parfaitement motiver une décision autant infondée qu’ injuste.
Le jugement commenté en donne une illustration en imputant à Emilie 50 % de responsabilité au motif d’une interdiction d’exercer dans une zone, totalement infondée, en éludant superbement la liberté de choix du patient pourtant reprise comme une antienne lorsqu’il s’agit de préserver les avantages d’autres professionnels de la santé.

Néanmoins, il doit constituer un encouragement à persévérer dans le combat judiciaire aussi inégal puisse-t-il sembler « La persévérance et la ténacité viennent à bout de tout », puisqu’il ne peut être mené ailleurs sauf sans doute sur le plan syndical mais ceci est une autre histoire que je laisse le soin aux intéressés d’écrire.
Dans l’immédiat, le sourire retrouvé d’Emilie est pour moi, humainement et professionnellement, la meilleure des récompenses.
Alain DEGUITRE Avocat au Barreau de MARSEILLE

2 commentaires:

  1. PARLONS D’ÉMILIE !14 mai 2018 à 05:37

    PARLONS D'EMILIE !

    Texte un peu long, mais difficile d'expliquer en 40 mots , donc un effort !

    Pourquoi Infin'idels a soutenu le dossier d’Émilie ?
    Par empathie bien sûr mais pas que ...
    Qu'est-il arrivé à notre collègue ?
    Installation dans le village de ses parents pour l'aider dans l'éducation de son enfant .
    Installée d'abord comme remplaçante , elle décide de poser sa plaque à quelques kilomètres de chez elle car elle se trouve en zone sur dotée.
    Le bouche à oreilles, le fait d'habiter dans ce village fait qu'elle a une patientèle in situ et non sur le lieu de son cabinet .
    Elle s'inquiète auprès de la caisse de cet état de fait qui ( par téléphone) lui confirme que cela ne pose pas de problème moyennant qu'elle ne facture pas d'ik .
    Elle demande par deux fois en CPD la possibilité de déménager sa plaque sur le village et par deux fois elle essuie un refus : sur la base de un départ = une installation elle n'est pas prioritaire .
    S'en suit un contrôle de la caisse qui soupçonne l'existence d'un cabinet secondaire. Un enquêteur vient même vérifier le domicile de ses parents !
    La conclusion de ce contrôle lui vaut une sanction de déconventionnement , on lui réclame donc l'intégralité de deux ans d'exercice.
    Chute libre de notre collègue, qui perd pied et qui sera hospitalisée de nombreux mois avec des périodes d'auto destruction , malgré une famille qui fait front et la défend bec et ongles.
    Alors ???
    Alors le cas d’Émilie est, hélas pour elle, a bien des niveaux très instructif.
    1/ Un conventionnement est-il national ou régional ou départemental ou en fonction du lieu-dit ?
    L'avocat de la caisse a été très explicite : le droit du patient est respecté : il a le choix de son professionnel de santé. Un infirmier est conventionné « sur le lieu de sa plaque », il a le droit d'accepter des patients en dehors de sa zone …...mais la caisse a le droit de rembourser ces soins au tarif d'autorité c'est à dire hors convention .
    2/ Le calcul du zonage se fait donc sur : un départ autorise une arrivée. On nous parle de renforcer ce zonage d'ici la fin de l'année . Or dans le cas de Émilie , la simple enquête d' Infin'idels (sur son lieu d'exercice) sur l'augmentation de la démographie, le vieillissement de la population, l'activité HAD / SSIAD démontre rapidement l’inconsistance de ce calcul non revu depuis des années. Pas d'idel du secteur ayant mis la clef sous la porte pour cause de l'activité d’Émilie.
    Se pose la question de savoir si le fait de limiter les installations doit passer par un système injuste et obsolète servant de moyen de répression pour les caisses ?
    3/ 45000 euros de dommages et intérêts pour avoir perdu son cabinet , la garde de son enfant et deux années de sa vie en hospitalisation , vous devez penser que c'est assez payé la torture administrative !Voilà ce que vaut la destruction d'une vie d'idel !
    4/ Un syndicat qui soutient le dossier se voit réclamer 10 000 euros pour préjudices par la caisse ! Un comble ! En quoi un syndicat pose préjudice à une caisse en soutenant un de ses adhérents ? Quel mépris, quelle certitude de disposer de tous les droits.

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  2. PARLONS D’ÉMILIE !14 mai 2018 à 05:37

    SUITE
    A qui le tour ????? Vous ??? Moi ???? On va rester combien de temps dans ce système ?
    Se déconventionner ???? trop d'honneur Mes Seigneurs !
    Je me déconventionne si je veux, je me conventionne si je veux .
    Puisqu'une caisse peut appliquer le tarif d'autorité , parlons en .
    Tarif d'autorité : remboursement hors convention pour tous assurés sociaux en France et Dom Tom .
    Non revu depuis 1966 , il est de 0,21 cts (d'euros ou de francs ?) 0,68 cts pour les médecins . Et varie en fonction des régions , de la démographie .
    Chers collègues nous avons donc le choix : nous conventionner ou pas .
    0,21cts ou 3€ et des poussières l'acte de base , en contre partie d'avantages conventionnels fondant au soleil et d'indus qui nous assurerons 5 ou 6 ans de vie intense .
    Alors le syndicat Infin'idels ne parle pas de déconventionnement car il est clair qu'aucun idel ne peut vivre avec un tel tarif .
    Par contre le syndicat Infin'idels engage à ce jour, une procédure sur le tarif d'autorité et la révision de ce dernier .
    Car révisé, même si le tarif d'autorité est légèrement plus bas que le tarif conventionnel , les idels feront le vrai choix d'un conventionnement , la convention deviendra ce qu'elle aurait dû toujours être : un plus entre professionnels de santé et caisses , et non une machine à broyer de l'idels.
    On peut y coller autant d'avenants qu'on veut , faire croire à des négociations houleuses, cette convention est arrivée au bout de son terme et pas par la faute des idels !
    La rupture tacite de la convention est programmée au regard de l'emballement administratif des caisses sur les indus .
    Un tribunal reconnaît l'incompétence et la limite des droits d'un directeur de caisse dans la sanction d'un déconventionnement arbitraire mais un jour... ? un autre tribunal jugera autrement .
    Ce n'est plus la convention qui régit les règles mais des jugements .
    Quota, notion de temps, auto déconventionnement ou s'arrêtera t-on ?
    Les caisses disposent d'une arme conventionnelle et d'une arme juridique , prise entre ces tenailles notre profession envisage t-elle un avenir ?
    Pourrons nous compter sur vous dans cette future bataille ? Ou devrons nous continuer à regarder des Emilie tomber à nos côtés ?
    Infin'idels

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informidel vous remercie de participer au débat sur les conditions actuelle de la profession des idel