« Allez courage, encore demain matin et
ensuite vacances pour 3 semaines… », Ça
laisse rêveuse…
Plus de réveil à 5h45,
plus de patients, plus de rendez-vous à 11h au cabinet, plus de travaux en
ville qui m’oblige à faire
du slalom avec ma petite voiture rouge… 3 semaines… Si
attendues… C’est
sûre, j’étais
en repos mardi mais j’ai du gérer
le vandalisme de ma petite voiture rouge! Qui aurait cru ça
dans notre douce région et bien, aux dires des
gendarmes, la campagne c’est plus ce que c’était
ma brave Dame! Merci, je viens encore d’en faire les frais!
La violence dans notre métier,
vaste sujet. Qui de nous, blouses blanches intervenant au domicile, n’en
a jamais été victime?
Si je reprends la définition sur le net, je trouve: « La
violence est l’utilisation de force physique ou
psychologique pour contraindre, dominer, causer des dommages ou la mort. Elle
implique des coups, des blessures, de la souffrance.
Selon l'OMS, la
violence est l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou
de soi-même, contre un groupe ou
une communauté,
qui entraîne ou risque fortement
d'entraîner un traumatisme, des
dommages psychologiques, des problèmes
de développement ou un décès. ». Tout est dit, plutôt tout est écrit: la violence c’est faire mal à quelqu’un soit par des coups
soit par des mots. Aie Aie Aie! Ce qui est aussi difficile c’est de découvrir que malgré un rôle dans le mieux-être d’autrui, je suis victime
de violence. Je viens te faire du bien et tu
me fais du mal… Verbalement voire
physiquement… Difficile dilemme à vivre.
L’autre jour, je commence
la prise en charge d’un
pansement chez un monsieur de plus de 70 ans tout à fait alerte et en
pleines capacités
mentales connu de notre cabinet. Un tout petit pansement coté AMI 2 pour nos amis de
la Sécurité Sociale, situé à moins de 2km du cabinet
donc pas d’indemnités kilométriques qui plus est
situé à 500 m à vol d’oiseaux d’un cabinet de consœurs mais m’obligeant à traverser toute la
ville. Au premier rendez-vous, vers 10h, le patient me demande si jeudi, jour
de marché, je pense venir vers
8h. Je lui réponds
calmement, qu’à l’heure actuelle, il m’est impossible de
planifier son pansement si tôt
dans la matinée
compte tenu des priorités
de soins des autres patients et que je pense intervenir à partir de 10h! Monsieur
bougonne, pas content, me disant qu’il
allait changer de cabinet si je ne venais pas à 8h00. Soit, la liberté du choix de son infirmière lui appartient. Deux
de mes collègues
continuent les soins entre 10 et 11h les jeudi, samedi et lundi. Pas d’alerte de la part de
mes collègues face au mécontentement du
patient, pas de rendez-vous signalé par ce dernier, donc
mercredi j’arrive
chez lui à 10h45. J’étais dans le créneau des 10/11h seulement
Madame et Monsieur étaient
en train de s’installer
en voiture, Monsieur au volant. Très
vite, il descend, claque sa portière
et se dirige vers moi d’un
pas très décidé.
« C’est
à cette heure là que t’arrives? J’ai que ça à faire, à t’attendre, tiens j’avais mis ça sur la porte! » C’était sa formule de
bienvenue! Le patient avec ses 70 ans mesure quand même 1,80m pour 100kg
environ, me fait face, camper sur ses
deux jambes à me toiser, moi et mon
1,60m pour 65kg et ses yeux baignant de méchanceté.
Gardant mon calme, je réponds un simple bonjour
et prends le petit mot qu’il
me tend « J’ai fait le poireau jusqu’à 10h30, j’ai autre chose à faire que vous
attendre, je me passerai de vos services. » Que d’amabilité!
« T’en
pense quoi? T’as
rien à dire? Évidemment, toute façon… » Et il m’arrache son billet doux
des mains, le chiffonne et le jette à terre.
« Toute façon
quoi? Je vous demanderai déjà de ne pas me parler
comme ça, je ne suis pas là pour ça, et vous étiez prévenu que les soins se dérouleraient entre 10 et
11 h00. »
L’épouse qui est descendue
de voiture, ouvre la porte de la maison et entre; son mari, lui emboite le pas
et je suis dans l’optique
de faire ce petit pansement quand soudainement, il se retourne, face à moi et avec un regard
tout à fait dédaigneux pour moi, me
lance un « puisque c’est ça j’vais me débrouiller tout seul,
puisqu’elle est pas foutue
venir plus tôt
celle-là et puis j’vous interdit de
remettre les pieds chez moi » et il ressort s’installer
au volant de sa voiture.
Sa femme transpire de
honte pour lui.
Je lui lance un « c’est comme vous voulez
mais vous allez me régler
ma facture où je vais enlever le soin
d’aujourd’hui », « t’as intérêt! »…
J’ai refait la facture,
prends le chèque
fait par l’épouse,
salue celle-ci et remonte en voiture.
Au final: des mots durs
avec un patient non patient pour environ 35€, une violence dans ses propos envers moi où je me suis sentie
rabaissée au plus bas malgré 11 ans d’exercice en libéral et du temps et de l’énergie de perdus
inutilement, enfin, c’est
ce que je pense.
Lorsque je suis rentrée au cabinet ce jour là, j’ai croisé mon associé. Ancien rugbyman, c’est vous dire le
gabarit, quand il y a du soleil, je peux me mettre à l’ombre! Il me raconte qu’un patient lui avait
dit qu’ « il ne voulait pas que ça lui fasse sa prise de
sang! ». Le « ça » était
mon collègue… Sans commentaires… Juste un petit économique: la prise de
sang avec insulte c’était
environ 9€ et un nœud à l’estomac pour le grand
soignant baraqué plaqueur de ballon ovale,
remboursé par l’assurance maladie. Pas
le nœud à l’estomac, non, la prise
de sang.
Les insultes, les
gestes déplacés, les dommages matériels et les agressions
physiques fragilisent notre corps et notre âme de soignant. A quel prix? Il faut l’aimer ce foutu job, où à chaque nouveau patient
vous ne savez pas ce qui va se passer, ce que se trame de l’autre côté de la porte. Une fois à l’intérieur, au domicile,
vous êtes la mouche dans la
toile d’araignée à la merci du prédateur et dans la tête d’un grand nombre de
patients le soignant a besoin du patient…
Et le respect dans tout
ça? C’est plus ce que c’était ma brave Dame (bis
repetita).
J’ai débuté en libéral il y a eu 11 ans
par choix, envie et opportunité.
Durant ces années,
j’ai connu les insultes,
les critiques, le commissariat un dimanche soir pour une main levée, une voiture vandalisée avec vol. Dans la
balance du bien-être
du soignant, tout ceci pèse
lourd et j’ai
appris, puisque mon corps ne m’a
pas laissé le choix, à me détaché de mon travail et
privilégier ma vie de maman,
de femme, d’amie,
de formatrice avec mes stagiaires. J’aime
mon métier mais lorsqu’on tire trop sur les réserves, notre corps a
le dernier mot et là encore, rien n’est fait pour le
soignant en souffrance, et c’est
ce fameux burn-out que tout le monde connait qui fait son entrée! En libéral,
on continu au maximum du maximum de nos capacités. Pas d’arrêt maladie possible
parce que pas forcément
d’assurances, pas de
remplaçants pour les patients.
Donc qu’il arrive n’importe quoi, on
retourne chez nos patients au plus vite avec le sourire et on les écoute, eux et leurs
malheurs. Et nous, on continue en espérant
qu’un jour on ait un mot
gentil de nos autorités
de tutelles. Pas grand chose, seulement une reconnaissance pour les collègues victimes,
seulement un droit d’expression,
seulement des encouragements comme un enfant en cursus scolaire. Puisque la
reconnaissance ne peut se faire par la revalorisation de nos chers A.M.I et
A.I.S, qu’elle se fasse par les
mots afin de panser nos maux…
Ouh làlà! Je crois que ma dernière matinée va être difficile, il est déjà 00H16, debout dans
5h30, boulot, récupération de ma petite
voiture rouge et préparation
des valises!
Une pensée particulière à Mireille et Frédérique.
Stéphanie infirmière
libérale dans l’est
de la France
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